La jeunesse marocaine entre colère et désillusion : le mouvement GenZ 212 secoue les rues
Depuis la fin juillet, une contestation inédite embrase les réseaux sociaux et se traduit dans la rue. Baptisé “GenZ 212” par les jeunes eux-mêmes, ce mouvement spontané exige des services publics à la hauteur : éducation, santé, dignité. Le mot d’ordre “On veut des hôpitaux, pas des stades” résonne comme un cri de priorité sociale face à la frénésie d’investissements dans les infrastructures sportives en vue de la CAN 2025 et de la Coupe du Monde 2030.
La mobilisation trouve un écho douloureux dans l’actualité : le décès de huit femmes enceintes à Agadir, faute de soins adéquats, a cristallisé l’indignation. A cela s’ajoute un taux de chômage des jeunes qui flirte avec les 36 %, symptôme d’un avenir bloqué.
Face à la montée en puissance du mouvement, les autorités ont répondu par la force : dispersions musclées à Rabat, Casablanca, Agadir, Tanger et Oujda, près de 200 arrestations. Certaines personnes ont été interpellées simplement pour avoir filmé ou relayé les manifestations. Parmi les figures touchées, Najat Anouar, militante de la protection de l’enfance, a été arrêtée puis relâchée en moins de 24 heures.
Le mouvement, sans leader ni porte-parole, s’organise via Discord et WhatsApp. Cette structure horizontale, fluide, rend la répression plus complexe et traduit une méfiance croissante envers les partis politiques traditionnels.
Des réformes juridiques entre avancées et controverses
Le mois de septembre a vu l’entrée en vigueur de plusieurs lois majeures. La réforme du code de procédure pénale (loi n°03-23) marque un tournant : limitation de la détention provisoire, renforcement des droits des victimes, présomption d’innocence élargie. Un Observatoire national de la criminalité est créé, avec la promesse d’une justice plus transparente.
La nouvelle loi sur la grève (n°97.15), effective depuis le 24 septembre, reconnaît ce droit à de nouveaux acteurs : professions libérales, indépendants, retraités. Mais les délais imposés pour la déclaration des grèves (jusqu’à 45 jours) inquiètent certains syndicats, qui y voient une tentative de restriction déguisée.
Dans le viseur du législateur également : les influenceurs. Un projet de loi veut soumettre les créateurs de contenu au contrôle de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, via un encadrement fiscal et juridique accru. En jeu : lutte contre les dérives, mais aussi craintes de censure.
Le secteur cinématographique n’est pas en reste. La loi n°18.23 restructure le Centre cinématographique marocain, modernise les licences et vise à attirer de nouveaux investisseurs. Une tentative de relance pour une industrie encore trop fragile.
Colères locales : les agents communaux entrent en grève
Parallèlement, les syndicats de la fonction publique locale ont lancé des grèves de 48 heures en septembre, ponctuées de sit-in devant les préfectures. En cause : salaires stagnants, promotions bloquées, dialogue social au point mort. Ils appellent le ministère de l’Intérieur à des négociations urgentes.
Conclusion : un mois charnière
Le Maroc traverse un moment de tension palpable, où les aspirations citoyennes butent sur des réponses institutionnelles jugées insuffisantes. Le mouvement GenZ 212 est peut-être l’étincelle d’une reconfiguration politique plus large. Reste à savoir si les institutions répondront par l’écoute ou par le verrouillage.

