L’épisode #06 du podcast Enlève Ta Casquette reçoit Mariam N’diaye, la CEO de Broke and Abroad, une plateforme visant à rendre le voyage accessible à tous, autrice et influenceuse suivie par près de 400 000 personnes. Au micro de Tonton Karim, Mariam partage un parcours riche en défis, marqué par la quête d’identité, l’entrepreneuriat audacieux et la passion du voyage.
Conflit Identitaire et Parcours Scolaire Semé d’Embûches
Mariam N’diaye revient sur son enfance passée dans les 15e et 12e arrondissements de Paris. Issue d’une famille nombreuse (15 frères et sœurs), elle évoque un certain «conflit identitaire» où elle se percevait comme une enfant de banlieue malgré son lieu de résidence, car elle n’avait pas les moyens des familles parisiennes traditionnelles.
Son parcours scolaire est marqué par une injustice : alors qu’elle visait une classe générale pour devenir avocate, sa conseillère d’orientation a changé ses vœux pour la forcer vers une classe professionnelle (secrétariat). Bien que cette voie ne la passionnait pas, elle excelle et obtient son BTS. Cet épisode, bien que traumatisant, a forgé sa détermination :
« Si on dit que c’est pas possible, c’est que c’est possible. C’est juste que ils voient pas que c’est possible. Allons-y, on y va. »
C’est lors de son BTS qu’elle découvre, par hasard via une affiche, les écoles de commerce. Elle intègre l’Institut Mines-Télécom (IMT), cherchant l’école la mieux classée qui était également gratuite pour les boursiers.
Le Voyage, l’École de la Vie et la Naissance de Broke and Abroad
Le voyage devient rapidement une nécessité. Dès son BTS, Mariam multiplie les petits boulots pour s’offrir des stages à l’étranger, refusant les stages « bidons » en France. Ce besoin d’évasion se transforme en une manière de vivre : elle part à Londres, puis à Taïwan, et au Mexique.
Elle se décrit comme un véritable « caméléon », une capacité d’adaptation développée grâce à ses voyages en solo, qui lui permet de s’intégrer rapidement, même dans le milieu exigeant des grandes écoles de commerce.
C’est pendant son alternance en consulting chez Accenture qu’elle lance Broke and Abroad. La plateforme est née d’un simple constat : ses abonnés lui demandaient sans cesse comment elle, une personne sans grandes ressources financières, parvenait à voyager autant. La mission était claire : partager l’information pour rendre le voyage accessible.
Les Barrières de l’Investissement et la Force de la Communauté
Après avoir quitté son poste de consultante pour se dédier à 100% à son entreprise, Mariam et ses cofondateurs, Steven et Junior, se sont heurtés à la principale difficulté de l’entrepreneuriat : l’argent.
Le plus grand choc fut la levée de fonds en France. Malgré un deck (dossier de présentation) solide et des chiffres prometteurs, ils n’obtenaient pas de financement auprès des investisseurs traditionnels. Mariam attribue cette difficulté aux biais et au manque de représentation dans le milieu :
« On est tous les trois noirs, tous les trois jeunes, tous les trois, enfin moi, confession musulmane en plus. […] Tu vois dans les stats que les gens issus de minorité, c’est genre 2 % de levée de fond. »
Face à ce mur, l’équipe a trouvé une solution innovante : une levée de fonds participative (crowdfunding en equity) auprès de leurs propres clients. En moins d’une semaine, ils ont réussi à lever 500 000 €, prouvant la confiance de leur communauté.
Reconnaissance Internationale et le Droit d’Être Soi
L’épisode prend une tournure inattendue avec l’histoire de la participation au concours Black Ambition Prize de Pharrell Williams. Faisant partie des cinq finalistes, Mariam constate un contraste saisissant avec les investisseurs français : les Américains ont été plus réceptifs à leur énergie et à leur projet.
Interrogée sur l’identité au travail, Mariam insiste sur l’importance de refuser de « rentrer dans le moule ». Elle a d’ailleurs été confrontée à des demandes pour ajuster son turban dans un cadre professionnel en consulting. Chez Broke and Abroad, l’atmosphère est à l’opposé : tout le monde est invité à venir comme il est, et l’entreprise refuse les collaborations qui ne seraient pas alignées avec ses valeurs et son ton unique.
En conclusion, lorsque Tonton Karim lui demande ce que signifie pour elle le titre du podcast, « Enlève ta casquette », Mariam N’diaye le réinterprète :
« Moi, j’aurais pu dire ‘garde ta casquette’ ! […] [Enlever sa casquette], c’est se dire bah, j’enlève ma casquette, je me mets à nu un peu aussi pour bah échanger, partager et inspirer. »
En d’autres termes : rester soi-même.

