Algérie–Allemagne : la nouvelle géopolitique de l’hydrogène vert

Dossier Vérité · Yemma Club

Algérie – Allemagne : l’énergie comme nouvelle grammaire diplomatique

Quand l’hydrogène vert, les corridors Sud–Nord et les territoires sahariens deviennent le nouveau langage d’un partenariat en train de se réinventer entre Alger et Berlin.

Par Yemma · Yemma Club – – Lecture 10–12 min

Sommaire du dossier

  1. Le moment charnière
  2. 60 ans de relations énergétiques
  3. Berlin 2025 : négociation à huis clos
  4. Hydrogène vert : promesse & terrain
  5. Trois projets, une vision
  6. Les visages & institutions
  7. Impacts économiques
  8. Territoires algériens
  9. Obstacles
  10. Trois futurs possibles
  11. Annexes & repères

Ce dossier s’inscrit dans le cadre de la coopération énergétique algéro-allemande et des travaux du Partenariat énergétique Algérie–Allemagne .

Le moment charnière

Lorsque la délégation algérienne se rend à Berlin en novembre 2025, ce n’est pas une simple réunion technique. C’est un signal. Celui d’un basculement : l’énergie n’est plus seulement un flux entre deux rives, mais un terrain où s’écrit une nouvelle architecture géopolitique.

L’Allemagne cherche de la stabilité et des sources d’énergie décarbonées. L’Algérie cherche de la transformation et un après-hydrocarbures crédible. Entre les deux, une équation : l’hydrogène vert. Derrière les signatures de protocoles, il y a une question simple : qui fournira l’énergie propre de l’Europe de demain, et à quelles conditions ?

60 ans d’énergie partagée

Le partenariat énergétique entre l’Algérie et l’Allemagne ne naît pas avec l’hydrogène. Il plonge ses racines dans les premières exportations de gaz et de pétrole vers l’Europe, au lendemain de l’indépendance algérienne. L’un cherche un fournisseur fiable. L’autre, un client solide.

Des années 1970 aux années 2000, l’histoire se raconte en mètres cubes, en pipelines et en modernisation d’infrastructures. Puis, en 2015, un tournant : la création du Partenariat énergétique Algérie–Allemagne , qui consacre un dialogue structuré autour des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique et de l’assistance technique.

Avec la montée des urgences climatiques, une nouvelle page s’ouvre : l’hydrogène vert devient un terrain commun. L’Allemagne revoit sa stratégie après les crises gazières. L’Algérie doit imaginer un modèle où son soleil compte autant que son sous-sol.

Berlin 2025 : une négociation à huis clos

Quartier ministériel, Berlin. Autour de la table : représentants du ministère algérien de l’Énergie et des Mines, dirigeants de Sonatrach, responsables du ministère allemand de l’Économie et du Climat, conseillers techniques, diplomates.

Officiellement, on parle de corridors, de capacités, de financement. Officieusement, chacun mesure ce que cette coopération peut changer : pour l’Europe, la quête d’un fournisseur « fiable et vert » ; pour l’Algérie, la possible sortie d’une économie dominée par les hydrocarbures bruts.

« Ce que nous négocions, ce ne sont pas que des mégawatts, ce sont des décennies de dépendance ou d’autonomie », glisse, à voix basse, un conseiller énergétique. La formule résume l’enjeu.

Hydrogène vert : promesse technologique, réalité du terrain

Sur le papier, l’hydrogène vert a tout pour plaire : produit à partir d’électricité renouvelable, il permet de décarboner l’industrie lourde, la chimie, certains transports. Il coche les cases des scénarios climat. Il rassure les industriels en quête de continuité énergétique.

Dans le désert algérien, la promesse se confronte à d’autres réalités : électrolyseurs coûteux, infrastructures à créer, besoin en eau dans des zones arides, formation de toute une génération d’ingénieurs et de techniciens.

L’Algérie a le soleil, l’espace et une longue histoire énergétique. L’Allemagne a la technologie, les équipements et un besoin urgent de sources renouvelables. Reste à réussir la rencontre entre ces deux temporalités.

Trois projets, une vision

La coopération ne se joue pas seulement dans les discours : elle s’incarne déjà dans quelques projets structurants qui dessinent une carte du futur.

  • ALTEH2A – Une alliance pensée pour coordonner la production, la certification et la circulation de l’hydrogène entre l’Algérie et l’Europe.
  • SoutH2 Corridor – Un corridor énergétique Sud–Nord qui pourrait, demain, transporter de l’hydrogène vert depuis le sud de la Méditerranée vers les centres industriels européens.
  • Projet pilote d’Arzew (50 MW) – Une première unité de production d’hydrogène vert, appelée à démontrer la faisabilité technique, économique et logistique du modèle.

Trois projets comme autant de tests : celui de la coordination politique, de la robustesse technique et de la capacité à penser l’énergie autrement que comme une matière brute à exporter.

Les visages et les institutions derrière la coopération

Un partenariat énergétique ne se résume jamais à des logos. Derrière les sigles, il y a des ingénieurs, des diplomates, des chercheurs, des techniciens, des décideurs politiques.

  • Sonatrach, pivot historique du secteur énergétique algérien.
  • Le ministère algérien de l’Énergie et des Mines, pilote politique et stratégique.
  • Le ministère fédéral allemand de l’Économie et du Climat, côté Berlin.
  • Agences techniques et instituts de recherche, des deux côtés de la Méditerranée.

La coopération se joue à plusieurs niveaux : en haut, dans les accords intergouvernementaux. En bas, dans le quotidien des équipes qui devront concevoir, adapter, maintenir les futures infrastructures.

Impacts économiques : une économie qui cherche son souffle

Pour l’Algérie, l’hydrogène est moins une mode qu’une nécessité stratégique. Il offre une chance rare de sortir d’un modèle centré sur les rentes fossiles, en créant des chaînes de valeur plus longues : conception, ingénierie, maintenance, services.

Les projections évoquent des dizaines de milliers d’emplois potentiels à horizon 2040, si la filière se structure réellement. Mais l’enjeu ne réside pas que dans les chiffres : il s’agit de savoir ces emplois seront créés, avec quel niveau de qualification, et au profit de qui.

La transition énergétique sera-t-elle un nouveau cycle de dépendance – exporter de l’énergie brute pour importer de la technologie – ou l’occasion de bâtir une souveraineté industrielle ?

Le Sahara, nouveau cœur énergétique ?

L’hydrogène ne se produira pas à Alger. Il naîtra dans des espaces déjà familiers à l’industrie énergétique : les régions sahariennes. Ces territoires, longtemps considérés comme réserves, deviennent le théâtre de la nouvelle transition.

Créer des hubs énergétiques au Sahara, c’est aussi créer des routes, des réseaux, des centres de formation, des infrastructures sociales. Mais c’est également ouvrir des débats sensibles sur l’usage de l’eau, des terres, la place des populations locales dans la décision.

Une transition juste suppose que ces territoires ne soient pas seulement le décor, mais des acteurs à part entière du récit énergétique qui se construit.

Les obstacles qui peuvent tout ralentir

L’hydrogène est une promesse. Pour l’instant, ce n’est pas encore un quotidien. Entre les deux, une série d’obstacles bien réels :

  • Normes de certification encore instables entre l’Algérie et l’Europe.
  • Infrastructures de transport et de stockage à concevoir et financer.
  • Financements massifs à sécuriser dans un contexte mondial déjà sous tension.
  • Besoin d’ingénieurs, de techniciens, de métiers nouveaux à grande échelle.
  • Dialogue social et territorial à construire pour éviter les tensions locales.

La réussite de la coopération dépendra moins des communiqués de presse que de la capacité à faire face, concrètement, à ces nœuds techniques, réglementaires et humains.

Trois futurs possibles – 2030–2040

Aucun avenir n’est écrit. Mais quelques scénarios se dessinent déjà, en creux, dans les discussions de Berlin et les plans d’investissement.

  • Scénario 1 – Le hub vert : l’Algérie devient l’un des principaux fournisseurs d’hydrogène vert de l’Europe. Les corridors fonctionnent, les infrastructures suivent, une filière locale se consolide.
  • Scénario 2 – Le partenariat sous conditions : des progrès existent, mais restent limités. L’hydrogène se développe, sans bouleverser la structure de l’économie algérienne.
  • Scénario 3 – La transition avortée : retards, instabilités, manque d’investissement ou de vision commune. L’hydrogène reste un mot plus qu’un secteur.

Entre ces trois horizons, une constante : la décision politique. L’hydrogène ne sera pas qu’une affaire de technologie, mais de priorités, de choix collectifs et de capacité à tenir un cap dans la durée.

Données, cartes, repères

Chiffres clés

  • Potentiel solaire algérien parmi les plus élevés au monde.
  • Objectif national : 15 000 MW d’énergie solaire d’ici 2035.
  • Premiers projets pilotes hydrogène : capacité initiale de 50 MW (Arzew).

Repères temporels

  • 2015 : création du Partenariat énergétique Algérie–Allemagne.
  • 2023–2024 : l’hydrogène devient priorité stratégique dans l’UE.
  • 2025 : rencontre de Berlin autour de la coopération hydrogène.

Cartes & visuels à intégrer

Dans la version finale, ce bloc peut accueillir :

  • une carte des zones solaires et des hubs énergétiques en Algérie ;
  • le tracé stylisé du corridor SoutH2 ;
  • des schémas simples expliquant la chaîne « solaire → hydrogène → export ».
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