Le vécu de Youcef Abdaoui : une peur intime comme point de départ

Enfant, Youcef Abdaoui serre toujours un peu les dents quand un coton-tige s’approche de son oreille. La même crainte revient : et si on tape dans mon coude ? Et si je vais trop loin ? Ce geste minuscule, répété dans des millions de salles de bain, est pour lui une source d’angoisse plus que de confort.

Des années plus tard, l’ingénieur en informatique qu’il est devenu met des mots sur cette gêne : le coton-tige est à la fois banal, mal maîtrisé et, surtout, mal adapté à l’oreille humaine. À partir de là, une idée s’installe : si un geste aussi courant provoque autant de problèmes, c’est qu’il y a quelque chose à réinventer.

Le coton-tige : geste automatique, risque sous-estimé, impact écologique bien réel

On l’utilise sans y penser. Le coton-tige est devenu un prolongement de la main : on l’attrape, on tourne, on jette. Pourtant, depuis des années, les ORL répètent la même chose : ce geste pousse le cérumen plus loin qu’il ne le retire, favorise la formation de bouchons et peut, dans les cas extrêmes, endommager le conduit auditif ou le tympan.

À ce risque sanitaire s’ajoute un coût écologique. Les bâtonnets en plastique ont longtemps été parmi les déchets les plus retrouvés sur les plages et dans les océans. Même remplacés par des versions en papier, la logique d’usage unique reste la même : des boîtes entières consommées, semaine après semaine.

C’est ce double constat – inefficacité du geste et pollution accumulée – qui ouvre la brèche dans laquelle Ears 360 va s’engouffrer.

Naissance de l’idée : transformer la peur en invention

Youcef Abdaoui n’est ni médecin, ni designer industriel. Il est ingénieur en informatique, formé à identifier les points de friction dans un système et à les résoudre. Un jour, une forme retient son attention : une spirale qui capture ce qu’elle touche au lieu de le repousser.

De cette intuition naît une question simple : et si l’on pouvait nettoyer l’oreille en respectant sa forme, plutôt qu’en la forçant ?

S’ensuivent plusieurs mois de recherches, de croquis et de tests. Le premier prototype sort d’une imprimante 3D. Il est imparfait, mais il prouve que l’idée tient la route. Youcef s’entoure alors d’industriels pour affiner la conception, de spécialistes pour sécuriser l’usage et d’ORL pour valider l’innocuité du geste. L’objectif est clair : retirer le cérumen sans risquer de toucher le tympan.

De l’idée à la marque : Ears 360, une spirale made in France

La petite spirale devient entreprise. En 2020, Ears 360 se structure autour d’une philosophie simple : faire mieux, mais consommer moins.

Concrètement, cela se traduit par :

• un embout en silicone médical hypoallergénique, pensé pour le contact avec la peau ;
• une butée de sécurité qui limite la profondeur d’insertion dans le conduit auditif ;
• une fabrication française, pour maîtriser la qualité et l’empreinte carbone ;
• un dispositif réutilisable, pensé pour durer, non pour être jeté.

Ears 360 se positionne ainsi à la croisée de trois univers : l’hygiène du quotidien, la santé auditive et l’écologie. Ni gadget, ni simple “cure-oreille”, le produit s’affirme comme une alternative cohérente au coton-tige traditionnel.

Impact actuel : un nouveau geste dans la salle de bain

Dans les familles qui l’adoptent, le scénario se répète souvent : un adulte teste, puis un enfant curieux demande à comprendre ce “nouvel objet”. Le geste est plus lent, plus contrôlé, presque pédagogique. On explique, on montre, on rassure.

Au fil des utilisations, deux choses changent :

• la sensation, d’abord : moins de peur, moins de pression, plus de confort ;
• la conscience écologique, ensuite : la boîte de coton-tiges se vide beaucoup moins vite, jusqu’à disparaître complètement de la salle de bain.

Ce n’est pas une révolution spectaculaire. C’est une micro-révolution domestique. Un geste banal qui devient un peu plus conscient, un peu plus aligné avec la santé et avec la planète.

Et demain ? L’avenir de l’hygiène auriculaire

Le marché de l’hygiène auriculaire est encore largement dominé par le jetable. Les habitudes sont tenaces : on achète, on utilise, on jette. Le principal défi d’Ears 360 n’est donc pas technique, mais culturel : changer un réflexe ancré.

Pour accélérer ce basculement, plusieurs terrains d’alliance se dessinent :

• les pharmacies et parapharmacies, où la notion de sécurité et de dispositif médical est centrale ;
• les ORL et audioprothésistes, en première ligne face aux dégâts du coton-tige ;
• les communautés zéro déchet et les acteurs de la transition écologique, en quête de solutions simples et concrètes.

On peut aussi imaginer, à terme, une présence dans des kits d’éducation à la santé, des programmes de prévention, voire des collaborations avec des mutuelles ou des acteurs de la santé publique.

Plus qu’un produit : un geste pour ses oreilles… et pour la planète

On pourrait réduire Ears 360 à une simple innovation de salle de bain. Mais derrière ce petit embout en spirale, il y a l’histoire d’un enfant qui avait peur de se blesser, d’un adulte qui a refusé de banaliser ce risque, et d’un entrepreneur qui a choisi de transformer une peur intime en solution utile.

C’est un geste minuscule, répété toute une vie. Un geste qui, s’il est bien conçu, peut prendre soin de nos oreilles sans abîmer le reste du monde.

Plus qu’un produit, un geste pour ses oreilles… et pour la planète.